Que ta volonté soit faite
Après l'hécatombe qu'avait été pour moi La Patience du Diable, je me suis réjouie de voir que Maxime Chattam laissait tomber, le temps d'un roman, les enquêtes criminelles classiques...
Résumé de l'éditeur :
"Les enfants de toute l'Amérique avaient le Croquemitaine pour se raconter des histoires qui font peur, à Carson Mills, ils avaient Jon Peterson".
Jon Peterson est né dans le sang. Fruit d'une union hors mariage entre un méthodiste et une luthérienne morts le jour de sa naissance, dès sa plus tendre enfance, on sent qu'il y a quelque chose qui cloche chez lui. C'est un solitaire qui aime écraser des fourmis et cramer des papillons. Après avoir réduit en bouilli une petite raclure qui l'emmerdait, il s'est finalement tourné vers une occupation plus saine : violer de jeunes vierges.
Autant vous le dire tout de suite : ce roman n'est à mon avis pas une franche réussite. Si j'ai mis plus d'une semaine à lire 360 pages d'un thriller, c'est que quelque chose m'a empêché d'y passer une nuit blanche.
Je pense que c'est en partie due à la forme. Maxime Chattam est apparemment tombé dans la marmite à métaphores foireuses. Il en abuse largement, quitte à ce qu'on en ingurgite cinq ou six dans un même paragraphe. Peut-être est-ce à cause du choix du narrateur (enfin, d'après mes suppositions...). Mais comparer, par exemple, un groupe de putes au pistil d'une fleur fanée, là, franchement, je reste sans voix.
Il aurait pu insuffler une âme à Carson Mills, s'il n'avait pas limité ses descriptions au temps qu'il fait. Il y a tant à dire d'une petite ville américaine des années 60 !
Ensuite, parlons du héros, ou plutôt du gros méchant de l'histoire, Jon Peterson. On nous l'a présenté comme le mal incarné, celui qui faisait trembler d'effroi toute la ville. Comment une ville entière peut-elle avoir peur d'une petite ordure irascible ? Parce qu'à moins d'être tombé aux pays des Bisounours, les habitants auraient sans problème fait sa fête au gamin bouseux suspecté d'avoir tué quelques animaux.
Le narrateur part du fait que personne n'a su que c'était lui, le responsable des 2 ou 3 viols commis dans la ville, mais il essaye quand même de nous faire avaler que Jon Peterson est le MAL... Le Mal avec une énorme majuscule ? Un pédophile qui bat sa femme ?
Chattam nous avait habitués à plus quand même. Alors oui, on lui a peut-être fait comprendre qu'il donnait dans le gore gratuit. Mais tout planquer derrière des métaphores au point que le lecteur ne sache pas vraiment si Jon Peterson est en train de violer une adolescente ou d'arroser son par-terre de fleurs, c'est faire un immense pas vers de la poésie d'étudiant défoncé au crack.
Pour moi, le mal n'a rien à voir avec une raclure de bas-étage, ni avec une personne née mauvaise. Un vrai bon méchant n'est pas quelqu'un pour qui faire du mal est en fait céder à une pulsion, parce que ce ne serait finalement qu'une simple maladie, non ? Un méchant, c'est quelqu'un qui, en toute connaissance de cause, en sachant quelles vont être les répercussions, a choisi la voie du mal. Et ce méchant-là, on le respecte.
Prenez par exemple Hannibal Lecter, The Méchant par excellence. Ses aventures ont duré, quoi ? 4 romans ? autant si ce n'est plus de films ? Comment a-t-on pu s'attacher à lui, si ce n'est parce que c'est un génie ? Son principal tort, est-ce que c'est de manger des humains, ou de les avoir tués pour ça ? Certes, il a brisé le tabou occidental du cannibalisme, mais si on avait pris n'importe quel autre tordu pour se faire les canines sur de la peau humaine, ça ne serait pas passé. Lui, il le fait avec classe.
Le Mal, si on veut lui mettre une majuscule, on doit lui donner le prestige qu'il mérite.
Pour en revenir au roman, oui, il y a un petit meurtre quand même. Une bibliothécaire vieille fille qui aimait écouter les adolescents perturbés. On l'a battue à mort, et on a retrouvé des mégots près de son corps. Est-ce que l'auteur a choisi les années 60 comme décor de son roman pour ne pas se fouler au niveau de l'enquête ? Non, parce qu'un Shérif qui va au tabac du coin pour demander qui achète ce genre de clope, je crois que même au Moyen-Age, on se serait remué un peu plus le cul pour trouver l'assassin ! Ce manque flagrant de boulot de la part des autorités laisse supposer qu'on plonge volontairement le lecteur dans le flou, histoire de l'amener gentiment au dénouement final qui, même s'il est inattendu, est sacrément décevant (mais bon, l'auteur l'écrira lui-même à la fin). Il aurait mieux valu laisser le manuscrit dormir au fond d'un tiroir et finir par trouver une fin digne de ce nom plutôt que de se dépêcher de l'envoyer à son éditeur, et de le montrer fièrement à ses groupies qui ne sont plus du tout objectifs.
Finalement, il y a bien quelque chose de pourri à Carson Mills, et ce n'est pas Jon Peterson, c'est la police. Et le narrateur.
Même si ce n'est pas un énorme coup de coeur pour moi, je tiens à remercier Arthur, de chez Albin Michel , qui a eu la gentillesse de m'envoyer le livre en avant-première !