Un petit recueil de nouvelles
J'avais un tout petit livre qui trainait sur mes étagères, et je me suis décidée à me plonger dedans : Dernier Noël de Guerre, de Primo Levi.
J'avais déjà lu du même auteur Si c'est un homme, et j'avais déjà été frappée par la simplicité avec laquelle il évoquait sa survie dans les camps de concentration. Ce qui m'avait freinée à ouvrir celui-ci, c'était la nature des ces micro-nouvelles : quelques-unes naturalistes, d'autres surréalistes. En effet, tout commence avec le récit d'un banquet, où le personnage principal (que l'on a du mal à cerner au début) est a priori un kangourou (oui ! oui !) qui ne se sent pas du tout à l'aise parmi les autres convives.
On navigue ensuite d'histoire en histoire : les unes relatant le passé de l'auteur ; Les autres étant des interviews d'animaux en tout genre (taupe, araignée, bactérie). On aurait pu se dire : "Mais comment je me suis retrouvé à lire ça ?"
Et pourtant, dans toutes ces nouvelles, de quelque nature qu'elles soient, le message est clair : on a le droit à la différence, chacun a le droit de raconter son histoire.
Un petit extrait tiré de la nouvelle qui m'a le plus touchée, celle d'un homme qui n'avait plus rien à perdre...
"Sans tourner la tête, le gars de Marineo chercha prudemment, à tâtons, la grenade et tout doucement, dissimulant ses mouvements derrière les secousses du véhicule, il en dévissa le capuchon de sécurité. L'opération se déroula sans difficulté, mais le gars de Marineo n'aurait jamais imaginé qu'il serait si difficile de remplir et de parcourir les dix dernières secondes de sa vie ; car il dut lutter durement, avec toute sa volonté et toutes son énergie corporelle, pour que le plan soit mené à terme selon son dessein. C'est uniquement à cela qu'il consacra ses derniers instants, et non à s'apittoyer sur son sort, à penser à Dieu, ou à prendre définitivement congé du souvenir de ses êtres chers[...]
A l'improviste, quelque chose jaillit de profondeurs jamais explorées, d'un recoin de son corps, de ce corp animal et rebelle qui se résout mal à mourir, et augmenta de façon démesurée quelque chose de sombre et d'ancien, d'inconnaissable, car sa montée arrête et supplante tous les instruments de la connaissance et du savoir. Le gars de Marineo sut, mais pas immédiatement, que c'était de la peur, et il comprit qu'il serait bientôt trop tard. Il se remplit les poumons pour se préparer à la lutte et tira de toutes ses forces sur le cordeau."